Dieu a un plan merveilleux pour ta vie
Les pieds de vigne, noirs, courbés et
mutilés, sont accrochés aux fils qui les maintiennent, prisonniers alignés
sur les collines. Le sol, jonché des tailles, sarments
morts entassés, témoigne du passage des ouvriers. C’est une image
lunaire, presque de grand désert, que donnent les paysages de Champagne,
en hiver, comme dans toutes les régions de vin. Si je ne vivais pas ici,
j’aurais de la peine à croire que, d’une telle désolation, la vigne va
renaître, et se couvrir de feuilles et de bourgeons, de fruits juteux et
pleins, dont on fera le nectar de nos fêtes. Ainsi en va-t-il de nos vies,
nous pensons parfois être au bout des routes, mais nous n’en savons rien.
Rien n’est plus nécessaire à cultiver que l’espérance.
J’ai relu aujourd’hui le discours sur la montagne, en fait
tout le début de l’Evangile selon saint Matthieu. Ca m’a frappé, là, au
milieu des vignes en deuil, à quel point le Seigneur connaît le cœur de
l’homme. Et combien, dans sa bouche, reviennent des mots comme « ne
craignez pas », « n’ayez pas de soucis », « n’ayez pas
peur ». Il met le doigt là où ça fait mal : soucieux de bien
paraître, prompts à parader, soucieux de notre image, nous sommes en
vérité taraudés par la peur, à l’intérieur. Abrutis par les considérations
matérielles, inquiets de toutes choses, utiles ou bien futiles, rarement
de l’essentiel. Dieu seul sait ce dont j’ai besoin. Et si je Lui fais
véritablement confiance, même si je pense être inutile, et mort, comme une
vigne en hiver, je sais qu’Il me fera donner du fruit, au temps que Lui
aura choisi.
Je suis prompt à juger, Il me demande de pardonner. Je suis
prompt à compter, Il me demande de ne pas garder rancune. Je suis
plus prompt encore à me faire du souci, pour moi, les miens, mes proches,
Il me demande de m’abandonner. Comme ces amants modernes qui refusent de
cohabiter, gardent chacun leur nom, leur compte, et leur bagnole, nous
sommes peu disposés à faire Alliance avec Celui qui Est. Nous sommes
instables, comment aurions-nous connaissance du Stable par excellence, le
Rocher sans lequel tout vacille autour de nous ?
La vigne folle, isolée, cœur sauvage, peut se targuer de
n’être point taillée, mais son fruit est amer, et nul ne peut en profiter.
Son grain pourrit et sèche, il agace les dents des animaux sauvages.
En vérité, Il est la vigne, la terre, le vigneron. L’Eglise
est son domaine, à chaque âge son millésime. Si notre vie nous semble
parfois bien morte, il nous faut cultiver l’espérance.
Je ne suis qu’un sarment, mais je dois faire confiance à
Dieu. Je puis, par mon amour, ma confiance, et mon abandon, Lui permettre
de me communiquer Sa Vie. Oui, parfois, Il me taille, oui, parfois, Il
m’attache, Oui, parfois, tout est noir, et c’est comme un désert, mais je
sais qu’Il fera pousser du fruit, de celui qui ne pourrit pas, de ma
docilité, de ma foi, de ma confiance.
Nous voulons produire plus de fruit, et nous pensons parfois
qu’un peu plus de décibels, de papier, de pixels, de réunions, sans parler
des finances, pourraient nous y aider. Oui, pourquoi pas. Mais le risque
est si grand de s’y perdre, de se faire du souci indu, cette moisissure de
l’âme, qu’il vaut mieux prier plus, oui, apprendre, réapprendre, toujours,
et chaque jour, à prier.
Sans Lui, je ne peux rien, et je suis un sarment tombé à
terre.
« Pour moi , il est bon d’être proche de
Dieu ;
j’ai pris refuge auprès de mon Dieu
pour annoncer les œuvres du Seigneur
aux portes de Sion ». (Ps 72, 28)
Que l’année 2005 fasse naître en nos cœurs
des projets de mission vécus dans la louange, la prière, et l’adoration,
et portés entre frère et sœurs habités par l’amour. Que chacun de nos
gestes, et chacune de nos décisions, soient ceints de charité, de douceur
et d’humilité. Alors, de nos vies sèches, le Seigneur fera
naître pour chacun de nos frères un vin d’Eternité.
Profitons de nos temps de faiblesses, de doutes,
d’hésitations, pour redire à Dieu la confiance qu’ont les petits enfants
envers leur Père. Il nous arrive de penser que "c’était mieux avant". Nous
ne savons pas juger ces choses : peut-être, au moment où nous
pensions être utile, étions-nous comme des outres gonflées de vent.
Peut-être, au moment où nous ne faisons rien, sommes-nous comme le raisin,
qui mûrit lentement. Le meilleur est toujours à venir, puisque notre
avenir, c’est Dieu.
Quand se fait en nos vies le silence - alors Dieu parle, Il
peut être entendu, car Il n’élève que très rarement la voix, et Il lui
faut nous ménager quelques temps de désert pour pouvoir être enfin
entendus de nous. Cultivons le silence, cultivons l’espérance, demandons
la confiance, d’avancer le coeur en Sa Paix, dans la joie ou les
difficultés.
Je me souviens d’une phrase récoltée au hasard dans un
groupe de prière, et qui m’avait frappé, à un moment où je croyais
vraiment être inutile, et où tout était sombre autour de moi : Dieu a
un plan merveilleux pour ta vie. A ceux qui ne savent pas, à ceux qui ne
croient pas, à ceux que le malheur étouffe, je laisse cette petite phrase,
à cultiver, à se redire, à dire aux autres, à transmettre à ceux que nous
croisons : oui, mon ami, qui que tu sois, quelle que soit ta
situation, Dieu t’aime, et Il a un plan merveilleux pour ta vie.
Florent
Masson